Page 6 - 35ème Édition Toques & Clochers
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Artiste, invitée d’honneur de Toques et Clochers
Aïdée BERNARD
Artiste plasticienne
Artiste plasticienne, Aïdée Bernard expéri*
mente la transformation des plantes en
fibres à papier. Elle réalise avec les fibres
végétales des installations, sculptures
diaphanes et livre-objets où le papier
devient mode d'expression à part entière,
fibre-signe, mot-filigrane, matière-peau.
«Le papier que je crée est nourri d'ici, de cette terre qui me porte. Il est
le résultat d'une métamorphose de la matière et parle de mon rapport
à la visibilité, ce que je donne à voir. Il questionne aussi la trace
fantomatique celle qui m'échappe et qui se dit à travers moi, mon
rapport à l'invisible. L'histoire qui m'habite, intime, cette histoire sourde, se
révèle dans une approche sensible de ce que je suis, ces mues succes*
sives qui une fois qu'elles ont trouvées leurs formes me permettent de
passer à une autre, plus proche de moi tel l'effeuillage de couches de
représentations successives. J'aime que la surface soit la plus fine
possible, comme une pellicule, une peau, qui raconte ce qui m'a touché,
sensation ineffable, murmure visuel.
J'aime m'immerger dans la nature...
... Sentir profondément d'où je suis, d'où je viens... Le rythme des saisons,
l'impact de la terre, son humidité, sa chaleur, le cosmos qui nous entoure.
Tout cela me met en mouvement. Un jour la découverte de la technique
de fabrication du papier m'a offert de sublimer cette rencontre avec le
végétal. Plus qu'un simple support, le papier se dévoile pour moi, un
mode d'expression à part entière
J'écris en filigrane. Les mots sont omniprésents, même dans le silence, le
bain de langage est là. L'inscription en filigrane se lit par transparence
grâce à la lumière. C'est une expression secrète, qui est liée au fond, qui
fait corps avec le papier. La surface est trouée, fragilisée par la trace
de l'écriture, par le marquage de l'eau. Le papier témoigne de l'altéra*
tion, rappelle la naissance et la mort. Le papier issu de l'eau, en y
retournant se décompose et se dissout. A nouveau je peux reconstituer
une feuille de ces restes. Éternel recommencement, il évoque la nature
même de notre être sans cesse recyclé, reformé.
Superposer plusieurs expressions, végétale, humaine, textuelle, se perçe*
vant par transparence ou en surface, induisant l’idée d’une connais*
sance toujours partielle de l’identité d’un être ou d’un territoire, d’une
connaissance mouvante qui s’approfondit et change avec le temps, fait
partie de ce que j’ai envie de donner à voir.»
"Tiens, il pleut"
«Robe de mariée» "Le temps d'attendre"